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Jeudi 24 janvier 2008 - 19h - Amphithéâtre de l'Athénée municipal, Bordeaux, France
"ALZHEIMER : UU AUTRE REGARD..." / Conférences - débats

LES PERSONNES AGEES AU CONTACT DES ANIMAUX :
LE COMPORTEMENT ANIMAL PEUT-IL NOUS AIDER A CONCEVOIR
UN AUTRE REGARD ET UNE AUTRE APPROCHE DE LA MALADIE D’ALZHEIMER ?
Communication de Delphine DESCAMPS*, éthologue, publiée dans les Actes de la
Conférence "Alzheimer : un autre regard...", jeudi 24 janviers 2008, Bordeaux, Amphithéâtre de l'Athénée municipal

(vous pouvez vous procurer les actes complets (avec DVD) auprés de
: ASSOCIATION VILLA PIA,
52 rue des Treuils - 33000 Bordeaux,
www.cos-villapia.fr / infos@cos-villapia.fr, 05 56 96 13 59)

- Bref historique, quelques repères…
- Vous avez dit Ethologie ?
- Les Activités Associant l’Animal permettent le lien entre théorie et pratique…
- Concrètement, je vais vous faire part de quelques observations de terrain
- La relation zooludique entre les enfants et les chats
- La relation zooludique entre les personnes âgées et les chats
- Quelques remarques pour conclure à partir de ces observations…

 

Les personnes âgées au contact des animaux :
le comportement animal
peut-il nous aider à concevoir
un autre regard et une autre approche
de
la maladie d’Alzheimer ?

Delphine Descamps[1]

Ethologue titulaire d’un Master 2 (DEA) de Sciences Humaines et Sociales,
 encadrant des activités associant l’animal auprès de personnes âgées en EHPAD et auprès d’enfants.
www.etho-logis.fr / http://delphine.descamps.free.fr / delphine.descamps@etho-logis.fr

Bref historique, quelques repères…

Au sein de nos sociétés actuelles occidentales, pour beaucoup d’entre nous, l’animal est devenu un compagnon quotidien qui améliore notre qualité de vie et participe à notre bien-être, tant physique que psychologique.

 De nombreuses études[2] témoignent de l’apport bénéfique de l’animal sur la santé et le moral des personnes âgées, prouvent qu’elles sont moins déprimées et restent alertes plus longtemps grâce aux différentes stimulations : visuelle, tactile et émotionnelle que procure un animal de compagnie.

 - Dans le Missouri depuis plus de 10 ans, dans la maison de retraite NHC, Susan Taylor autorise la présence de chiens, chats, lapins, chevaux, oiseaux, etc. Elle accepte parallèlement les animaux des résidants à leur arrivée au sein de la structure. Cette étude a montré que la présence d’animaux dans l’entourage des personnes âgées permet d’éviter la mélancolie et les stimule d’une manière toute aussi originale.

 - Selon Rebecca Jonhson du centre de médecine vétérinaire de l’Université du Missouri, « les animaux leur procurent un soutien et un amour inconditionnel. On note également que les séniors âgés qui vivent avec un animal marchent plus, ont un taux de triglycérides et de cholestérol nettement plus bas et sont de meilleure humeur que les autres. Ils sont plus résistants après une crise cardiaque. »

- Dans l’Indiana, les chercheurs de l’Université de Lafayette ont noté le fait que les patients atteints de la maladie d’Alzheimer retrouvent leur appétit en observant un aquarium contenant des poissons rouges.

 - Une étude espagnole confirme cette thèse selon laquelle « les animaux de compagnie améliorent le quotidien des personnes âgées ». Les sentiments d’isolement et de dépression se trouvent être moins présents chez ces individus.

 - Prendre soin d’un animal augmente l’estime de soi de ces personnes et peut aller jusqu’à réduire le risque de développer certaines maladies : en 1983, Katcher et Friedmann confirment à travers leur étude médicale que les caresses prodiguées à un animal réduisent la pression artérielle et préviennent les maladies cardio-vasculaires, le diabète et l’ostéoporose.

 - Ainsi certains médecins préconisent la présence d’animaux au sein d’établissements médicalisés.

Le Dr William Tuke, en Angleterre, est le premier, dès 1792, à constater que la présence des animaux auprès de personnes malades peut les aider à guérir plus rapidement. Il crée l’Institut « York retreat » accueillant des malades mentaux avec comme principe thérapeutique de prendre soin d’animaux afin de responsabiliser les individus par rapport à autrui et ainsi, leur faire prendre conscience de leur propre personne.

 - Cependant, ce n’est que dans les années 50 que Boris Levinson – psychologue pour enfants - utilise l’animal comme outil thérapeutique. On pourrait le considérer comme le maître fondateur de la zoothérapie.

 D’une manière plus globale, ce serait l’hypothèse de la biophilie (attrait de la nature) qu’il faudrait confronter aux institutions telles que des maisons de retraite ou des hôpitaux.

Vous avez dit Ethologie ?

Ainsi, l’éthologie – étude du comportement- est une science qui s’allie bien avec ces pratiques de mise en relation interspécifiques. On distingue l’éthologie humaine de l’éthologie animale. Dans ce contexte, il s’agit de l’analyse des relations entre l’humain et l’animal avec les bénéfices et les contraintes réciproques.

L’éthologie utilise l’observation comme principal outil de recherche et d’analyse. « Pour répondre aux différentes questions qu’il se pose, l’éthologue se réfère au répertoire comportemental connu de chaque espèce – l’éthogramme – de manière à proposer des hypothèses rationnelles en rapport avec ce que l’on connaît déjà du comportement animal en général et de l’espèce étudiée en particulier.

L’éthologue décrit, classe et mesure les comportements observés. Il va ainsi répondre à quatre interrogations de base : Quoi ? Où ? Quand ? Comment ? »[3]

Les Activités Associant l’Animal
permettent le lien entre théorie et pratique…

 Individuelle ou collective, L’Activité Associant l’Animal signifie la présence d’un animal domestique introduit par un intervenant qualifié dans l’environnement immédiat d’une personne chez qui l’on cherche à susciter des réactions visant à maintenir et/ou à améliorer son potentiel cognitif, physique, psychosocial et affectif.

 Le professionnel accompagnant l’animal doit avoir une formation comportementale de l’animal concerné et les compétences nécessaires. Il doit pouvoir interagir systématiquement avec le groupe aux cours des activités.

Il doit posséder la capacité d’établir des programmes des séances selon les objectifs fixés : activités à but éducatif, ludique,  stimulant, thérapeutique, etc.

 Lors du déroulement d’une séance d’Activité Associant l’Animal, l’intervenant et l’animal (ou les animaux) présent(s) ne forment qu’une seule entité, une équipe œuvrant en concert avec un objectif commun. Il est indispensable de ressentir cette collaboration.

Concrètement, je vais vous faire part de quelques observations de terrain[4]

Les séances d’animation à Villa Pia ont lieu soit avec des personnes âgées, dont certaines sont atteintes de la maladie d’Alzheimer, soit avec un groupe d’enfants de 3 à 6 ans et de personnes âgées.

La relation zooludique
entre les enfants et les chats
[5]

Lors d’Activités Associant l’Animal organisées avec des enfants, nous avons tout d’abord comme objectif d’aboutir au respect de l’animal en tenant compte de ses besoins et de ses exigences. Mais la relation enfant/animal n’étant pas le thème principal de notre soirée, ni de ma communication, je ne développerai donc pas ici cet aspect de mon travail à Villa Pia, ni sa théorisation. Voici cependant quelques unes de mes remarques.

Pour que la présence d’un animal soit détachée d’un maximum de danger, il faut tout d’abord que l’enfant apprenne à respecter les codes, les signaux d’avertissement ou de menace de ce dernier. Par exemple, le toucher : naturel et spontané chez l’enfant, il peut être perçu comme une agression par l’animal s’il n’est pas régit par un rituel bien particulier.

De nombreux animaux peuvent être utilisés dans le cadre de ces activités mais certains critères sont incontournables pour pouvoir envisager de faire participer un animal à une telle activité : caractère, personnalité, éducation, degré de socialisation, aspect sanitaire, tout ces critères mériteraient d’être développés…

 Généralement, les enfants sont calmes, attentifs et portent de l’intérêt aux chats présents dans la même pièce qu’eux. Lors des premières séances, les interactions interspécifiques étaient rares car les enfants n’étaient pas très à l’aise, un peu effrayés. Il est arrivé que des enfants se recroquevillent ou se reculent lorsque l’animal arrive trop vite ou vient trop près. Ils restent alors ainsi légèrement à l’écart du groupe, plutôt intrigués par le déroulement de la séance. Il s’agit là d’une certaine forme d’appréhension faisant partie de la découverte de l’animal.

Mais au fil des séances, humains et félins ont mutuellement trouvé leurs marques et pris des repères concernant cette activité. Nous pouvons constater que la quasi-totalité des enfants caressent les chats – parfois furtivement -, jouent avec eux et les observent jouer ensemble (jeu d’objet et jeu de poursuite notamment). A plusieurs reprises, un des enfants a pris un chat dans ses bras, lui fait des bisous en lui demandant comment il va. Certains enfants miaulent ou se poursuivent à quatre pattes – jeu d’imitation - pour attirer l’attention de l’un des chats ou bien les appellent pour qu’ils viennent à eux. D’autres désignent les différents membres de l’animal tout en les énumérant. Ils sont très curieux. Certains enfants ramassent les jouets des chats et les regroupent avant de quitter la salle comme il le ferait dans leur propre salle de jeux : ce qui prouve une certaine aisance.

Jusqu’à présent, les enfants n’ont jamais demandé à quitter la salle. Il est même arrivé de les obliger pour laisser la place à leur camarade.

 Les enfants possédant des chats à leur domicile sont, globalement, plus à l’aise durant l’activité. L’un d’entre eux, notamment, manifeste un réel engouement. Actif, il montre de l’intérêt pour les chats et fait preuve d’un élan instinctif en leur direction. Pourtant, il pourrait être brusque dans ses mouvements à leur égard. D’où la nécessité d’une certaine prudence quant à la manipulation de ces derniers. Tout animal reste à tout moment imprévisible, pouvant être facilement effrayé par un son, une odeur ou une vue inconnue. Mais la plupart du temps, les enfants sont doux et calmes en présence des chats comme s’ils cherchaient à prendre soin, comme s’ils avaient conscience de leur fragilité et de leur vulnérabilité (tout comme eux, d’ailleurs).

Lorsqu’un enfant reste à l’écart du groupe par crainte, l’atelier permet alors de le rassurer et de le mettre en confiance. Un temps d’adaptation est nécessaire à toute nouvelle intrusion.

La relation zooludique
entre les personnes âgées et les chats

Ces observations sont la suite concrète de mon exposé liminaire concernant la personne âgée et l’animal.

 Les résidants sont contents de pourvoir caresser, peigner ou prendre sur leur genoux les chats. Ils ont même des éclats de rire en les regardant jouer, se prêtant au jeu ou simplement éprouver du plaisir à les sentir se frotter à eux. La chaleur et la douceur sont les remarques les plus récurrentes. Ainsi que la beauté de l’animal.

 Ils sont particulièrement touchés lorsque le chat ronronne à leur contact.

Le calme et la tendresse des résidants permettent de mettre en confiance l’animal.

 Tous ces petits gestes simples, font travailler les articulations et les muscles des résidants sans même qu’ils en aient conscience et de manière ludique.

 Souriants et attentifs aux déplacements des chats, certains résidants participant à l’activité semblent établir une certaine forme d’interaction et de communication directe avec les chats.

 Une autre résidente, après un long moment passé avec 2 ou 3 chats sur ses genoux, est devenue beaucoup plus calme, a eu un long moment de lucidité durant lequel elle a raconté des éléments –s’avérant véridiques- de sa vie passée, retrouvant un moment une partie de sa mémoire.

 Une autre résidente, bougeant et parlant très peu, le regard très souvent dans le vide, s’est « éclairée » peu à peu, a pu bouger sa main, pointer son doigt vers le chat et le caresser.

La séance suivante, il semble qu’elle se soit reconnue sur une grande photo (A3) représentant cette situation.

Quelques remarques pour conclure
à partir de ces observations…

-         La visite régulière, plusieurs fois par semaine, des chats de l’association « Etho-Logis » au sein de l’institution se révèle avoir des conséquences particulièrement bénéfiques sur les résidants.

-          Que ce soit auprès des enfants ou auprès des résidants âgés, l’atelier éveille les sens. Restant prévenants et doux à leur égard, nous pouvons témoigner d’une sincère affection des individus à l’égard des chats. Même s’ils se plaisent à les regarder, le contact est régulièrement sollicité (caresses et toucher).

-         Récemment, à l’initiative d’Elodie, étudiante animatrice stagiaire à l’association, nous avons mis en place des lectures en rapport avec les animaux et plus particulièrement les chats, appropriées aux enfants ou aux personnes âgées dans le but de conserver plus longtemps la concentration des résidants en variant le contenu de l’activité et faire exprimer la personne à partir d’un texte. Ainsi, une résidante, ayant reconnu la chanson « La mère Michel », a repris quelques paroles avec nous.

 -         Des sourires se dessinent sans aucune retenue, des yeux s’illuminent de bonheur et d’émerveillement et une communication bien spécifique, spontanée, s’établit entre certains résidants et les félins mis en leur présence.

-         L’animal ne parle pas, ne juge pas….

-         Le temps de l’activité, la personne met de côté ses problèmes de santé physique ou psychologique et s’abandonne à des échanges totalement libres avec l’animal présent.

-         Des individus vont entrer en communication durant l’activité alors qu’ils ne s’adressent pas la parole en dehors ou bien simplement pour se faire des réflexions désagréables et des réprimandes.

-         La mise en place de différentes activités Ethologie, au sein de l’institution, rythme le quotidien des résidants et permet à certains de retrouver un espace temporel qu’ils avaient perdu.

-         Lorsque la communication verbale est possible, nous en profitons pour demander à la personne de se remémorer les animaux qui ont pu faire partie de sa vie antérieure. Certains nous montrent même des photos qu’ils gardent toujours précieusement dans leur portefeuille après quinze ans de disparition de l’animal…

 -         Ainsi, l’animal se présente comme un stimulant

-         pouvant faire surgir certains souvenirs enfuis que la personne elle-même pouvait croire oubliés,

-         pouvant provoquer une réaction quelle qu’elle soit : un mouvement de la main pour tenter de caresser l’animal, un regard pour le regarder jouer, etc.

-         Quelque part « réanimée », la personne peut se sentir à nouveau utile, nécessaire pour quelqu’un ou quelque chose. Dans un nouvel état d’esprit, elle est plus détendue et moins agressive, elle peut alors redonner du sens à son existence et créer – ou recréer – des liens avec son entourage, qu’il s’agisse des membres de sa famille, des autres résidants ou des salariés de l’institution.

-         Nous avons constaté également une diminution significative de la détresse, de la tristesse et du repli sur soi, même s’il ne s’agit pas d’un effacement complet ni permanent.

 Nous souhaitons pouvoir continuer ces Activités Associant l’Animal ainsi que les observations et la recherche en éthologie qui en découlent, afin de participer ainsi très modestement au projet de l’établissement et en particulier de vérifier si le comportement animal peut nous aider à concevoir un autre regard et une autre approche de la maladie d’Alzheimer[6].


 

 


 

[1] Ethologue et sociologue, Delphine Descamps est titulaire d’un Master 2 (D.E.A) de Sciences Humaines et Sociales, mention ethnologie spécialité Ethologie de l’université René Descartes Paris 5 Sorbonne, Laboratoire de Biosociologie Animale et Humaine (LABSAH).

Elle est actuellement éthologue salariée à temps partiel responsable de l’association « Etho-Logis », association pour la protection animale, les activités association l’animal et la recherche en éthologie animale et humaine (www.etho-logis.fr).

 

[2] « La longévité des séniors favorisée par l’amour des animaux de compagnie » - Article « Senioactu » du 19 / 05 / 2004

[3] Ethologie du jeu ou la relation zooludique entre l’enfant et le chien  Delphine DESCAMPS, 2006,  Mémoire de Master 2 Recherche (DEA) Sciences humaines et Sociales, mention  Ethnologie, spécialité Ethologie – Laboratoire de Biosociologie Animale et Humaine (LABSAH) - Université René Descartes – Paris 5 - Faculté des Sciences Humaines et Sociales de la Sorbonne.

[4] Les séances de l’atelier AAA sont dirigées et encadrées par Delphine Descamps, éthologue, avec la médiation, lors des premières séances de l’un des animateurs sociaux culturels de l’institution : Sally Muné ou Adrien Coquelet. D’autre part, Elodie Lambrot,  stagiaire animatrice socioculturelle étudiante en IUT département Carrières Sociales de Bordeaux apporte également son aide lors des séances en particulier pour la prise de note des observations.

 

[6](Note de l’auteur : voir Bibliographie en fin d’ouvrage


*Ethologue et sociologue,
Delphine DESCAMPS a poursuivi des études en sciences humaines et sociales à Bordeaux 2 et Paris V La Sorbonne. Licenciée en sociologie,
elle a obtenu une Maîtrise (Master1) de sociologie.

Membre du laboratoire LABSAH à la Sorbonne, Université de Paris V, elle a obtenu, sous la direction du Professeur Jacques Goldberg,
un DEA (Master 2) d’Ethnologie, spécialité Ethologie.

En parallèle à ses activités de recherche, d’observation et de conseil en comportement, Delphine DESCAMPS pratique actuellement
au sein de l’association ETHO-LOGIS des Activités Associant l’Animal
en institutions avec divers types de publics, en particulier des enfants,
des séniors, des personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer
ou de troubles apparentés.

Elle a par ailleurs étudié la langue des signes et s’intéresse également à d’autres formes de handicap.

L’approche Snoezelen, La communication sensorielle et non verbale,
nécessitant, en plus d’un savoir faire, des qualités d’empathie et de "savoir être", est pour Delphine DESCAMPS une approche éthologique de la personne.

Ginette Espagnac
Présidente de l'association Etho-Logis

Association pour la protection animale, les activités associant l’animal et la recherche en éthologie animale et humaine
contact@etho-logis.fr

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